La Communauté universitaire toulousaine se propose d’être une « terre d’accueil » pour les scientifiques américains qui cherchent à quitter les États-Unis, depuis le dynamitage en règle des universités par l’administration de Donald Trump.
Ce ne sera probablement pas une ruée vers l’Est des chercheurs américains, mais un vent de solidarité souffle du côté de la communauté universitaire à Toulouse. Le profil d’une quinzaine de scientifiques, actuellement installés aux États-Unis dont l’édifice de la science a été dynamité en deux mois de présidence par Donald Trump, intéresse la Communauté d’universités et établissements de Toulouse (Comue), qui regroupe l’ensemble des établissements du supérieur (universités, instituts, grandes écoles). « Une cinquantaine de dossiers ont été reçus », confie le planétologue et président de la Comue Michael Toplis.
Une cinquantaine de dossiers reçus
Tout est prévu pour les chercheurs étasuniens dans la Ville rose ou à Montpellier (Hérault). Le conseil régional d’Occitanie débloque un fonds de 2 millions d’euros pour les « accueillir, les aider à constituer leurs équipes, et aider à la prise en charge de leurs salaires », assure la collectivité qui ajoute : « L’opération pourra être reconduite en 2026 en fonction des pressions et contraintes exercés sur la communauté scientifique et des besoins exprimés par les chercheurs ». Les scientifiques sont appelés, explique l’Université de Toulouse, qui soutient le mouvement Stand up for science, à intégrer les domaines des humanités, sciences du climat, santé et spatial.
« La situation est plus grave qu’en 2017 »
La communauté universitaire toulousaine souhaite aussi devenir « terre d’accueil » : « La situation actuelle est plus grave encore que celle de 2017, où des collègues choisissaient déjà de quitter les États-Unis, explique l’Université de Toulouse sur son site internet. Aujourd’hui, ce sont des pans entiers de la recherche scientifique qui sont menacés de disparaître, alors que la pensée rationnelle et la recherche de la vérité se doivent au contraire d’être au service d’une société responsable et d’un vivre-ensemble harmonieux ».
630 millions d’euros en moins pour la recherche
La raison de cette fuite des chercheurs vers l’Europe ? Les incertitudes sur le financement de leurs travaux, voire sa suppression pure et simple s’ils dépendent d’universités publiques, « sont des motifs qui reviennent souvent dans les lettres de motivation que fournissent les chercheurs en candidatant », poursuit Michael Toplis. Localement, a-t-on les épaules assez larges pour accueillir de nouveaux chercheurs, après le coup de rabot du budget du projet de loi de finances 2025 qui économise 630 millions d’euros sur le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche ?
« Il y a une véritable difficulté sur la gestion des universités »
« Ce qu’on voit c’est que le niveau de financement des missions régaliennes de l’université, sous forme de dotations récurrentes, est nettement en recul en euros utiles, certes, constate le président de la Comue. Par contre, à travers la loi de programmation de la recherche, il y a des coups de pouce pour de nombreux dispositifs. Mais il est vrai que le ressenti au sein de la communauté universitaire est sur une véritable difficulté de gestion des universités. Il y a des marges de manœuvre dans les grands projets structurants, comme ceux que nous proposons. »
Des dispositifs spéciaux pour les postdoctorants
La Comue assure que « les unités de recherche ont d’ores et déjà été sollicitées pour identifier des collègues intéressés, via les pôles de recherche […] Des dispositifs complémentaires pourront voir le jour, notamment ciblés sur les postdoctorantes et postdoctorants dont les financements ont été stoppés aux États-Unis ». Dans le cadre de « Choose Europe », les établissements comptent « amplifier » ce mouvement de solidarité avec les Alliances Européennes et ses partenaires.
Le mouvement Stand up for Science, comme un « sursaut citoyen »
Lancé par une large communauté universitaire en Europe, le mouvement Stand up for Science fait référence aux manifestations organisées par les communautés scientifiques à travers les États-Unis en réponse aux menaces qui pèsent sur la recherche scientifique sous l’administration Trump. En préambule de son manifeste, le mouvement fait le constat d’un changement de paradigme à 180 degrés chez ses confrères d’Outre-Atlantique.« Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump mène une offensive éclair d’une ampleur inédite contre les institutions démocratiques et les sciences. En combinant censure idéologique, prise de contrôle et destruction des données et des systèmes informatiques, suppression de financements, purges, intimidation voire terreur, l’Université et la recherche scientifique sont violemment attaquées. L’usage de termes comme « changement climatique », « historiquement », « minorités », « racisme » ou « femme » suffit à provoquer l’arrêt d’un programme de recherche, tandis que les agences fédérales subissent des coupes budgétaires violentes et délétères, entraînant des milliers de licenciements ». La journée Stand Up for Science du 7 mars a donné lieu à une mobilisation citoyenne et scientifique inédite en France.