Une équipe toulousaine, spécialiste du rôle des vaisseaux sanguins dans les tumeurs, vient de permettre une avancée majeure dans la lutte contre le cancer. En collaboration avec l’université Rockefeller de New-York, elle montre comment améliorer l’efficacité de l’immunothérapie. L’espoir est grand pour les patients.
Dans l’histoire des traitements contre le cancer, l’immunothérapie a marqué un tournant. En activant des lymphocytes pour détruire les tumeurs, elle a permis à des patients de survivre alors que leur maladie était incurable. Les résultats sont spectaculaires, notamment dans le mélanome et le cancer du poumon. Pourtant, l’immunothérapie échoue encore chez de nombreux patients et types de cancers : pourquoi cette disparité ?

Pour répondre à cette question, les chercheurs s’affairent. À Toulouse, une équipe de l’IPBS (1) a permis une avancée majeure. En 2022, après plus de 20 ans de travail et d’obstination, le Dr Jean-Philippe Girard publie dans la revue Cancer Cell, une étude qui marque un tournant dans la compréhension du mode d’action des lymphocytes tueurs. L’équipe toulousaine démontre que certains vaisseaux sanguins, appelés vaisseaux HEV, sont la porte d’entrée dans les tumeurs. Pour aller détruire la tumeur, les « soldats » lymphocytes doivent aller à son contact, ce qui est impossible sans passer par les vaisseaux HEV.
Repris près de 200 fois dans des publications scientifiques, l’article de 2022 a ouvert la porte à de nouvelles recherches pour essayer d’augmenter la quantité de vaisseaux HEV. Le Dr Jean-Philippe Girard, directeur de recherche Inserm à l’IPBS, raconte : « En 2022, quelques jours après la parution de l’article, mon étudiant de thèse, Lucas Blanchard, a été contacté par les cliniciens de l’université Rockefeller, à New-York. Ils étaient en train de mettre au point des anticorps modifiés de deuxième génération pour des traitements d’immunothérapie et voulaient voir comment les vaisseaux sanguins réagissaient. Notre étudiant a testé ces anticorps à Toulouse en modèle animal et est ensuite parti finir le travail à New-York sur des modèles pré-cliniques ».
La collaboration entre les équipes de New-York et Toulouse a permis la mise au point d’un traitement qui améliore l’efficacité de l’immunothérapie en augmentant la proportion de vaisseaux sanguins HEV dans la tumeur. Ces résultats très encourageants sont publiés ce 2 juin dans la revue Cell Reports Medicine.
« Des essais cliniques sont lancés, ça peut aller très vite pour les patients »
« L’anticorps modifié est plus efficace que dans les immunothérapies de première génération, il élimine les mauvais vaisseaux sanguins, augmente la proportion de bons vaisseaux sanguins HEV et donc le nombre de cellules tueuses dans la tumeur. L’effet a même été démontré sur des tumeurs froides, c’est-à-dire celles qui ne possèdent pas du tout de lymphocytes tueurs au départ. Pour nous, c’est très prometteur. Nous publions aujourd’hui mais des essais cliniques sont déjà lancés, ça peut aller vite pour les patients. Cette immunothérapie de deuxième génération a un effet qui booste les vaisseaux HEV, ce que n’a pas l’immunothérapie actuellement utilisée. Il faut aller vers ça. L’immunothérapie, c’est ce qu’il y a de mieux pour l’instant. Il n’y a que les lymphocytes qui sont capables d’aller chercher les cellules cancéreuses métastatiques à droite, à gauche dans le corps humain », conclut le Dr Jean-Philippe Girard.
Pour prolonger ses recherches, l’équipe de l’IPBS va démarrer une collaboration avec le Centre de recherches en cancérologie de Toulouse (CRCT) et l’Oncopole pour comprendre pourquoi l’immunothérapie ne fonctionne pas dans le cancer des ovaires et si les vaisseaux sanguins y sont pour quelque chose. « Nous allons apporter notre œil d’experts des vaisseaux. C’est un sujet qui intéresse aujourd’hui, ce qui n’était pas le cas il y a 15 ans. Nous avons des concurrents académiques, les industriels s’y mettent, tant mieux, ça va avancer plus vite ».