Atteint de plusieurs maladies chroniques lourdes, Eddy Estripeau aurait pu renoncer. À 48 ans, ce Toulousain a choisi l’exact opposé : défier les sommets et transformer chacun de ses exploits sportifs en un engagement solidaire, au service des autres et de la recherche médicale. Il fait partie des 14 propositions de la rédaction pour le titre de Toulousain de l’année 2025.
Alors que la course à l’ego se déchaîne sur les réseaux sociaux, certaines figures discrètes mériteraient d’être mises en avant. C’est le cas d’Eddy Estripeau, un champion à bien des titres.

« Rien n’est impossible, même avec plusieurs maladies », a coutume de dire ce Toulousain de 48 ans. S’il y a bien une personne qui peut en témoigner, c’est lui. Depuis ses 20 ans, le sort ne l’a pas laissé tranquille.
« Je suis atteint de trois maladies chroniques : une spondylarthrite ankylosante, de l’insuffisance respiratoire chronique (BPCO) et une rectocolite hémorragique. La spondylarthrite m’a cloué au lit pendant sept mois, ma colonne vertébrale et mes sacro-iliaques se sont soudées. On m’avait dit que je ne remarcherais plus. La BPCO m’oblige à vivre avec seulement 55 % de capacité respiratoire. Quant à la rectocolite, on m’a retiré le côlon et le rectum, ce qui m’impose un régime alimentaire très strict. Je n’ai quasiment aucune réserve énergétique », résume Eddy.
Là où certains auraient plongé dans le désespoir, Eddy, lui, y a vu une raison de vivre plus ardemment. « Je ne veux rien regretter. Même si je devais échouer, au moins j’aurais essayé. Je vis avec une épée de Damoclès : mes maladies peuvent s’aggraver à tout moment. Alors je veux vivre intensément, tant que je peux. »
Avec ce leitmotiv, Eddy a gravi des montagnes au sens propre comme au figuré, avec toujours la générosité chevillée au corps. Il y a une dizaine d’années, suite au décès de son meilleur ami atteint d’un cancer, il a créé Dassos afin de récolter des fonds pour la recherche médicale. Après ça, il n’a plus arrêté.
Le Mont-Blanc, un rêve devenu réalité
« Au début, c’était le vélo, puis la montagne. Après le Covid, j’ai tenté une randonnée avec ma fille et j’ai découvert que, paradoxalement, la montée me faisait moins souffrir que la marche sur le plat. Petit à petit, j’ai gravi des sommets de plus en plus hauts. J’ai appris à connaître parfaitement mon corps : je sais quand la douleur arrive, quand je risque une hypoglycémie, comment gérer mon rythme pour ne pas taper dans mes réserves. C’est un apprentissage de dix ans. » Un apprentissage exigeant, régulièrement interrompu par des séjours à l’hôpital.
Cette année, Eddy est allé encore plus haut. En guise d’échauffement, ce Toulousain au mental d’acier a commencé par l’ascension de l’Aneto, le plus haut sommet des Pyrénées à 3 404 mètres. Il a ensuite enchaîné avec le Posets (3 379 m), avant de venir à bout de la pointe Zumstein, dans les Alpes valaisannes, qui culmine à 4 562 mètres. Enfin, en septembre dernier, notre champion a atteint le sommet de l’Hexagone, le Mont-Blanc, concrétisant un rêve longtemps jugé inaccessible.
« En voyant le sommet, j’ai pris le temps de savourer. Les larmes sont montées. Je me suis dit : « Jamais je n’aurais cru arriver là. » Ma femme m’a écrit : « Tu étais le seul à y croire, et tu as eu raison. » C’était une revanche sur la vie. »

Car derrière Eddy, il y a d’abord une famille soudée qui l’accompagne et le soutient, et des collègues bienveillants qui sont nombreux à participer aux défis aux côtés de ce chef de projet utilisateur chez Boehringer Ingelheim, dans l’industrie vétérinaire. Chaque exploit s’accompagne d’une cagnotte au profit d’un projet solidaire.
En 2026, un trek pour une vingtaine de personnes atteintes de cancers
« Cette année, les fonds de 4 000 euros serviront à organiser en 2026 un trek de trois jours pour une vingtaine de personnes atteintes de cancer ou de maladies chroniques. Elles pourront vivre une expérience en montagne, toucher les étoiles du bout des doigts et oublier la maladie quelques jours. »
Une leçon d’humilité qui force le respect et inspire nombre de personnes dans la peine et la douleur. « Une femme m’a envoyé une photo d’elle au sommet de l’Etna, en me disant qu’elle avait osé le faire grâce à moi. D’autres ont repris le sport, la marche, ou même leurs passions. C’est ça, ma plus belle victoire. »
Ils seront encore nombreux à suivre son exemple. Eddy ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Au printemps prochain, il reliera Toulouse à Pornic, en Loire-Atlantique, à vélo, en six jours. En 2027, il n’exclut pas de réitérer les Sommets de l’espoir et de gravir à nouveau le Mont-Blanc… Et le Kilimandjaro.Un héros de l’ombre, dont la générosité inspire bien au-delà des sommets.
En quelques dates
1995 : Arrivée à Toulouse à l’âge de 18 ans.1999 à 2003 : De ses 22 à ses 26 ans, trois maladies se déclarent.2016 : Création de Dassos, qu’il co-fonde avec son ami Cédric pour soutenir la recherche médicale et porter un message d’espoir aux malades.2019 : Premier Tous en selle contre la maladie : 1 000 km à vélo pour collecter des fonds. 10 000 € seront reversés au Centre de recherche des maladies chroniques.2025 : Gravit 2 sommets de plus de 3 000 mètres et deux de plus de 4 000 mètres dont le Mont-Blanc.






















