Vanté puis délaissé par Airbus, le premier A380 décollait de Toulouse-Blagnac pour un vol d’essai il y a 20 ans. Stoppé par la crise du Covid-19, le plus gros avion commercial du monde est en train de débuter une seconde vie, alors que le trafic aérien est en train de se développer à toute vitesse.
Est-ce que la production de l’A380 pourrait être relancée un jour ? C’est le rêve de tous les passionnés d’aéronautique, séduits par le plus gros avion d’Airbus, qui a décollé pour la première fois de Toulouse-Blagnac le 27 avril 2005. Après moins de 17 ans d’activité, la fabrication a été définitivement arrêtée par Airbus en 2021, et la ligne d’assemblage a été remplacée. Une fin précipitée par la crise du Covid-19, qui a vu le trafic aérien s’effondrer partout dans le monde.
Mais aujourd’hui, la tendance est inverse, et le trafic mondial devrait atteindre huit milliards de passagers en 2040. De quoi relancer l’intérêt pour l’A380 selon Michel Polacco, spécialiste de l’aéronautique et ancien journaliste de Radio France.
« ici Occitanie » : Depuis décembre, vous avez tenu deux conférences sur l’A380. Vous parlez de « renaissance », pourquoi ?
Michel Polacco : C’est un avion que j’ai beaucoup aimé. J’ai été assez attristé lorsque j’ai vu que la conjoncture ne lui correspondait pas, que les ventes étaient réduites, qu’avec le Covid, on l’avait cloué au sol parce qu’ils étaient bien trop gros, et que finalement, en 2021, il a été décidé d’en cesser la construction.
Mais je sentais bien qu’il y avait quelque chose qui allait se produire, parce que je me disais que cet avion était très réussi et que ce n’était pas possible que ça se fasse aussi tristement. Petit à petit, plein de compagnies aériennes ont voulu remettre en ligne leur Airbus A380. Et actuellement, sur les 251 qui ont été construits, il y en a encore 175 qui volent. 175, c’est pas mal ! Et il y a même des compagnies (notamment Emirates) qui demandent si on ne pourrait pas en fabriquer de nouveau.
C’est envisageable, d’en refabriquer ?
Vu ce qu’ont pu dire les dirigeants d’Airbus, le reconstruire est assez peu probable. En revanche, exploiter et encore pendant longtemps les avions qui ont été construits, ça, c’est certain. Surtout que le trafic aérien se développe dans des proportions importantes. Donc on commence à avoir besoin d’avions gros porteurs.
Par exemple cet été, il y a des tas de compagnies qui vont utiliser l’A380 pour arriver à répondre à la demande. Il y a aussi des aéroports qui sont des gros clients de l’A380. Par exemple, des terrains qui n’ont que deux pistes, et qui ne peuvent pas multiplier le trafic. Donc pour faire transiter beaucoup de passagers, ils ont besoin d’avoir des gros porteurs.
En bref, si on relance l’A380 un jour il faut qu’il soit plus écolo ?
Oui, au minimum avec des moteurs nouveaux. Car l’appareil en lui-même est déjà très moderne. Je pense que le besoin de l’A380 va se faire sentir dans les cinq à dix années qui viennent, peut-être même bien avant. Mais on ne peut pas imaginer de refabriquer un avion qui a été conçu à la fin des années 1990.
Il lui faudrait au minimum des moteurs qui correspondent à l’écologie, à l’environnement, aux besoins de l’aviation qui a prévu d’être « zéro rejet de carbone » en 2050. Donc cela veut dire que si des avions neufs sortent, ils devront avoir des rejets très faibles et consommer les nouveaux carburants de substitution qu’on est en train de mettre au point. Parce que c’est pour l’instant la meilleure solution pour le transport aérien pour tenir sa parole.
On voit toujours un A380 au logo d’Airbus voler au-dessus de Blagnac, faire des tests, encore ces derniers jours… A quoi sert-il ?
Il sert effectivement à faire des expérimentations pour l’évolution des avions futurs, mais pas obligatoirement des A380. Il y en a un qui va voler dans peu de temps au-dessus de Toulouse avec un moteur à hélices rapides, c’est-à-dire un moteur qui aura des hélices non carénées.
C’est une formule sur laquelle on travaille depuis des années. On ne sait pas si elle sera finalement adoptée, mais pour arriver à faire des essais avec ce moteur, il faut le mettre sur un gros avion. Et le seul que possède Airbus c’est l’A380 testé en vol, qui est toujours à Toulouse, et qui a toujours un intérêt important.
Quelles compagnies utilisent l’A380 aujourd’hui dans le monde ?
Les compagnies qui ont arrêté ne sont pas très nombreuses. Air France qui en avait huit les a totalement arrêtés. Mais en revanche, des compagnies comme Lufthansa les ont tous ou presque tous remis en vol. Il y en a d’autres qui sont déconstruits parce qu’on manque de pièces détachées, vu qu’il n’est plus fabriqué.
Notamment chez Tarmac Aerospace à Tarbes, ou en Espagne. Il y a aujourd’hui dix compagnies qui exploitent l’A380, notamment Emirates qui en possède 119. Et puis il y a les compagnies asiatiques qui remettent leur avion en vol, notamment Singapour. Il y a aussi une jeune compagnie britannique, Global Airlines, qui prévoit de démarrer courant mai des vols entre l’Angleterre et les États-Unis avec des A380.
Ça veut dire que l’A380 peut être rentable pour les compagnies ?
C’est un avion qui a été conçu pour pouvoir transporter 853 passagers et 20 membres d’équipage. Jusqu’ici, aucune compagnie ne l’a exploité avec plus de 615 passagers, et encore, la plupart étaient autour de 500, dans des conditions de confort évidemment très importantes.
Mais si on regarde la consommation par passager, vu le nombre de passagers, elle tourne en moyenne autour de trois litres de carburant aux 100 kilomètres. Si vous remplissez des avions et que vous mettez 700 ou 800 passagers, alors là, vous arrivez aux fameux deux litres aux 100 pour lesquels l’A380 a été conçu. Et là, il est évidemment l’avion qui consomme le moins au monde aux 100 kilomètres.
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