Onze personnes à la barre, six sociétés créées en cascade et une fraude « organisée et caractérisée » selon le parquet de Toulouse. Procès devant le tribunal correctionnel de Toulouse des très mauvaises habitudes de deux entreprises de sécurité et ses filiales dans le cadre de la coupe du monde de rugby.
Une coupe du monde de rugby, en France, et ses fan zones à sécuriser. L’affaire paraissait trop belle pour échapper à « Events sécurité », une société toulousaine spécialisée dans la surveillance, d’entreprise ou d’événement, et dont les affaires souffraient début 2024. Seulement, pour rafler le marché de la fan zone de Bordeaux, il fallait des hommes et surtout des moyens.
Une association avec « Tls Sécurité 31 » devait permettre de faire face. Devait, mais quand les gendarmes, alertés par un témoin suspicieux, ont eu l’idée de vérifier les individus qui « surveillaient » la zone bordelaise, l’opération a tourné à la débandade. Beaucoup d’opérateurs, pourtant accrédités, ont préféré partir en courant. Sur la vingtaine d’hommes finalement vérifiés, douze ne possédaient même pas de titre de séjour ! Et aucun d’entre eux ne possédait la carte professionnelle pourtant nécessaire.
« Difficulté de recrutement », tentent les « patrons » de l’histoire. Sauf qu’en réalité, après ce contrôle surprise, les enquêteurs de la police aux frontières, soutenus par les spécialistes de l’office de lutte contre le trafic illicite de migrants (OLTIM) de Haute-Garonne, ont regardé de plus près ce business aux méthodes particulières. « Où la fraude a toujours existé, admet la procureur Anne Gaullier. Mais cette organisation, avec plusieurs sociétés, se voulait plus réfléchie, et plus sophistiqué. »
Esclavage moderne…
Les policiers, et les inspecteurs de l’Urssaf ont en effet découvert, derrière les deux « maisons mères », quatre autres structures crées à la hâte pour permettre de payer aux employés des heures supplémentaires à moindres frais. Et d’éviter, aussi, les rappels douloureux de cotisation. Seulement l’Urssaf qui a appuyé l’enquête policière présente aussi sa propre facture : 1 291 607 euros et quelques centimes !
Le parquet entend frapper fort. « Tout cela s’appuie sur une philosophe de sous-traitement des hommes », dénonce la procureur. Bien sûr, les agents sans papier, recrutés à Toulouse ou Bordeaux via des rabatteurs, gagnaient aussi moins d’argent. Et pas question que les « responsables » d’entreprises visés par les poursuites puissent, un jour, se relancer dans un milieu.
Au-delà des confiscations des scellés (belles voitures, biens immobiliers, argent liquide), la procureur requiert des peines de prison, trois ans dont deux avec sursis contre les deux « patrons », avec obligation de rembourser les victimes. Elle réclame aussi une interdiction de gérer et l’interdiction d’exercer dans la sécurité. « La même chose », rient jaune les avocats qui connaissent la rigueur du CNAT, le conseil national des activités privées de sécurité, qui cherche à « nettoyer » la profession en se débarrassant des « manipulateurs » qui faussent les marchés.
Les avocats de la défense, qui regrettent amalgames et conclusions hâtives, plaident pour la défense ce mardi matin. Le jugement devrait être mis en délibéré.