Désormais retraité à Toulouse, Bruno Léandri publie son « Guide ultime de la randonnée ratée » où il raconte ses mésaventures pédestres. Entretien avec celui qui fut l’un des piliers de « Fluide Glacial », le magazine de bandes dessinées qui fête cette année ses cinquante ans d’existence.
Après une longue carrière d’humoriste au sein des rédactions de « Fluide Glacial » et « Hara-Kiri », Bruno Léandri s’adonne avec bonheur à l’art de la randonnée et à celui de l’écriture dans notre région. Son « Guide ultime de la randonnée ratée » en témoigne pour le rire et le meilleur…
Finalement, la rando ça vous botte ou pas Bruno ?
Bruno Léandri : En fait, ce « Guide ultime de la randonnée ratée » est dans la continuité de ce que j’ai écrit auparavant dans mes précédents livres « Les Voyages ne m’aiment pas » et « J’aime pas les voyages » (Pocket, 2022 et 2024). Je me suis vraiment marré à raconter mes anecdotes de voyage et les malheurs qui me sont arrivés sont comparables à ceux que j’ai subis en randonnée donc j’ai écrit ce nouveau bouquin. J’aimerais pourtant vivre des randonnées pépères où il ne m’arrive rien.
Le principe consiste à livrer un récit de randonnées et des conseils drôles…
Oui c’est ce que j’ai fait toute ma vie pour le journal « Fluide Glacial ». On créait des pastiches remplis de gags, des faux journaux, des faux bouquins avec Gotlib et d’autres acolytes. Donc c’est la continuité des faux conseils dans un faux guide mais, par contre, les souvenirs qui étoffent le guide sont vrais. D’ailleurs ils peuvent aussi servir d’expérience ! (rires) Tout est authentique au millimètre comme cette histoire d’oiseau commun en Argentine que j’avais pris pour une espèce rare ou cette nuit d’orage vécue dans les Pyrénées…
Conseils que vous délivrez avec une écriture totalement libérée…
Depuis toujours j’écris de cette façon en alliant la précision dans les descriptions et même des mots parfois compliqués, barbares, scientifiques. Des mots que l’on utilise tous les jours, familiers, et simples surtout. Je ne m’estime pas du tout écrivain ou grand écrivain mais je sais que les plus grands ne se compliquent pas la vie, ils ne cherchent pas le style, ils font simple et j’admire ça. Prenez Houellebecq, on l’aime ou on ne l’aime pas, mais il écrit simplement. Et en plus c’est facile, on ne va pas chercher midi à quatorze heures !
Comment avez-vous découvert notre région ?
Ça remonte à notre jeunesse, vers 20 ans, c’était l’époque des communautés et des hippies, nous, on n’a pas été en communauté mais on avait des amis très proches qui ont fait ce chemin. Ils étaient menuisiers et intellectuels, ils ont décidé de partir et travailler à la campagne. Nous avons acheté un petit terrain proche du leur où nous avons construit une petite cabane qui dure encore depuis 50 ans ! Donc on était familier du Tarn, installés près du très joli village de Puycelsi et de la forêt de Grésigne à Castelnau-Montmiral. C’est d’ailleurs là que s’est déroulé un épisode avec Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre que je raconte dans le livre. Pendant 30 ans on a écumé tous les beaux villages du Tarn et de l’Aveyron, les villages moyenâgeux, les bastides comme Bruniquel, Penne. À l’époque je faisais des romans-photos pour “Fluide Glacial” et les lieux me servaient de décors. Puis, quand j’ai arrêté « Fluide Glacial » vers 2012, on en avait marre du Nord, donc quand notre fils nous a parlé de Toulouse et nous nous sommes installés après avoir cherché parmi toutes les villes du sud.
On vous retrouve sur francetv.fr dans un exercice qui, visiblement, vous plaît…
C’est une sorte de miracle qui m’est arrivé sur le tard à cause de l’un de mes livres, « Les voyages ne m’aiment pas », j’avais été invité à l’émission « Vous êtes formidables » dont le réalisateur m’a ensuite proposé de tenir une chronique. C’était un exercice de haute voltige ! Puis, un autre producteur m’a ensuite proposé de concevoir le programme court « La minute curieuse de Papy Léandri » qui est présenté sous la forme d’un cabinet de curiosités où je suis entouré de tout un bric-à-brac hétéroclite d’objets scientifiques et je raconte des histoires rigoureusement authentiques. L’équipe est formidable et j’ai déjà fait des émissions à la télé mais c’est rare que je sois 100 % content comme ça.
Quel regard portez-vous sur « Fluide Glacial » 50 ans après sa création ?
Je suis très content que ça continue d’exister et que ça continue à faire travailler de jeunes dessinateurs c’est formidable. Un journal papier sans pub qui tient depuis tant de temps, même Gotlib serait content dans sa tombe. C’est grâce à lui que j’ai voulu travailler à « Fluide Glacial », grâce à Cavanna aussi qui avait créé « Charlie-Hebdo » et « Hara-Kiri ». J’avais 16 ans et je suis allé leur proposer mes services. C’était un bonheur absolu, tout le monde n’a pas eu ce privilège et même si c’était une vie de rigolade on bossait beaucoup ! J’aimais bien cette forme de la photo qui allait bien plus loin que les romans-photos à l’eau de rose de la presse italienne qui étaient couramment pratiqués par Cavanna et Choron dans « Hara-Kiri » à l’époque. Ils étaient les premiers à faire des romans-photos d’humour et la formule plaisait à Gotlib donc on en a fait un par mois pendant pas loin de 40 ans.