L’ancien manager emblématique du Stade Toulousain évoque l’actuel entraîneur de Bordeaux-Bègles, son ancien adjoint à Toulouse et chez les Bleus, qui vise ce samedi 24 mai après-midi à Cardiff son premier titre majeur en tant que manager.
Une longue et chaleureuse accolade avec Lucien, le chauffeur du bus. Une discussion détendue avec Jean Bouilhou et Virgile Lacombe, ses anciens coéquipiers et joueurs, devenus eux aussi entraîneurs.
Un bonjour, plus furtif, avec Clément Poitrenaud, qui avait égratigné les Girondins en début de saison. Yannick Bru (52 ans) n’a pas oublié ses racines. Il y a trois semaines, alors que les échauffements battaient leur plein sur la pelouse du Matmut Atlantique avant la demi-finale, l’ancien talonneur toulousain a pris le temps d’aller saluer ses connaissances dans le camp « rouge et noir ».
Car, comme le rappelle Guy Novès, qui l’a fait venir d’Auch en 1996, revenir de Colomiers en 1998, et qui l’a ensuite promu dans son staff en 2007, « c’est un garçon qui est né au Stade Toulousain ».
Et qui a bien grandi depuis qu’il a arrêté sa carrière de joueur pour basculer de l’autre côté de la barrière. Lorsqu’il nous avait reçus à Bayonne, il y a bientôt six ans, une poignée de mois après avoir permis à l’Aviron de remonter en Top 14 dès sa première année comme manager, avec le titre de champion de France de Pro D2 à la clé, il nous avait expliqué le cheminement qui avait été le sien dans sa progression et sa volonté de voler de ses propres ailes.
« J’ai été 10 ans adjoint, j’en ai fait cinq avec Guy à Toulouse (2007-2012), trois avec Philippe Saint-André (2012-2015) et encore deux ans avec Guy en équipe de France (2015-2017). Je suis passé du statut d’adjoint à celui d’adjoint privilégié parce qu’il y avait une relation de confiance qui s’était créée avec Guy. »
« Je pouvais tourner le dos »
Alors qu’il venait d’être évincé de l’équipe de France par la gouvernance Laporte à l’automne 2017, les opportunités de repartir sur un challenge d’adjoint avaient afflué. Il avait préféré décliner : « Avec Toulouse dans ce rôle-là, nous avions atteint beaucoup d’objectifs. J’étais dans un moment où j’avais envie de trouver un environnement affectif professionnel stable mais aussi un nouveau challenge pour découvrir une nouvelle expérience. Donc redémarrer en Pro D2, dans un club qui a un vrai patrimoine comme l’Aviron Bayonnais, qui a un territoire rempli de jeunes talents, cela me parlait. »
L’histoire se terminera par une fâcherie avec le président bayonnais Philippe Tayeb mais surtout sur un nouveau titre de Pro D2 (2022), une saison après y être retourné à la suite de l’incroyable derby basque perdu aux tirs au but à Aguilera. Et après une aventure d’un an en Afrique du Sud, aux Sharks, c’est à Bordeaux-Bègles, que le Gersois a finalement retrouvé chaussure à son pied à l’été 2023. Avec pour objectif de faire passer l’UBB du statut de perdant magnifique à celui de machine à gagner.

« C’est un type hyper sérieux, hyper bosseur, qui ne vit que pour ça, que pour réussir. Avec l’expérience qu’il a pu acquérir chez nous, à Bayonne où il a quand même eu un certain nombre de résultats, c’est vraiment la bonne pioche du président Marti », estime l’ex-manager emblématique du Stade.
Pour lui, pas de doute, s’ils parviennent « à faire un duo de qualité, il arrivera petit à petit à faire de Bordeaux un grand club ». « Ce qui est très, très, très important, et c’est d’ailleurs là-dessus que j’ai souvent personnellement avancé, c’est l’attitude du président si jamais il arrive à lui faire une confiance totale et qu’il lui laisse, entre guillemets, une certaine liberté », prolonge l’ancien sélectionneur des Bleus.
À Marseille l’été dernier, la marche était trop haute, avec cette humiliation face au Stade Toulousain pour cette première finale de cette jeune UBB (3-59). « Il apprend aussi, reprend son ancien mentor. Il a vu que la saison ne s’arrêtait pas en demi-finale, alors que ses joueurs s’y sont arrêtés pour prendre 50 points en finale. Donc il a encore des petites choses qu’il faut qu’il rencontre, mais franchement, c’est un phénomène. Quand je l’avais à côté de moi au Stade Toulousain, je pouvais tourner le dos. C’était un monsieur sur lequel je pouvais compter de bout en bout. C’est un énorme bosseur. »
Preuve en est que la leçon a vite été intégrée, les Bordelais n’ont pas traîné pour retenter le coup, passant du statut de victimes à bourreaux pour se donner une chance de décrocher un premier titre européen, ce samedi après-midi à Cardiff, face à Northampton. « La défaite fait partie malheureusement de ce métier. Tu gagnes, tu perds, tu gagnes, tu perds. On essaye de gagner le plus possible. Mais c’est vrai que Yannick a quand même intellectuellement des arguments pesants pour pouvoir faire passer l’expérience qu’il a pu acquérir. »
Et selon Novès, il ne se contentera pas de cette première finale à l’échelon continental : « Être en finale, est-ce que c’est une réussite pour lui, je suis sûr que non. Je suis sûr que pour lui, la réussite, ça passe par des titres. Pour remplir l’armoire à trophées comme il dit, il faut gagner des titres. Être en finale, on en parle beaucoup avant, mais on ne retiendra que le nom du champion. Donc même s’il y a une forme de progression dans ses résultats, c’est tellement dur d’atteindre ce niveau que quand on joue une finale, il faut la gagner. » Le grand jour est peut-être arrivé…