Cinq mois après le gigantesque incendie survenu dans l’Aude, au mois d’aout 2025, le feu avait ravagé 17000 hectares dans le massif des Corbières, quels sont les moyens de lutte dont disposent les pompiers pour venir à bout des méga feux ? Réponse avec le patron du SDIS de l’Aude.
La nature portera longtemps les stigmates de ce gigantesque incendie survenu le 5 aout dernier dans les Corbières, à l’est de l’Aude. 17.000 hectares de forêts, de vignes et de garrigues ravagés. Une femme de 65 ans était décédée à Saint-Laurent-d- la -Cabrerisse, une vingtaine de personnes avaient été blessées, l’incendie avait parcouru une quinzaine de communes et détruit 35 habitations. La région Occitanie et le département de l’Aude ont mobilisé 20 millions d’euros sur 2 ans pour reconstruire le territoire et l’adapter. Les pompiers ont tiré le bilan de ce méga feu pour mieux coordonner les renforts terrestres et aériens à l’avenir, renforcer la prévention, sensibiliser au mieux la population. On en parle avec le colonel Christophe Magny, chef du service départemental d’incendie et de secours de l’Aude.
ICI OCCITANIE : Cet incendie, 2ème feu le plus important en France en 50 ans, quel bilan vous en tirez ?
Colonel Christophe Magny : On a fait un bilan national de cet incendie avec l’ONF (office national des forêts), le Centre Valabre de formation des métiers de la Sécurité Civile, la DDTM, et nous le SDIS. 75 départements sont venus en renfort avec 2200 pompiers au plus fort du feu, mais aussi 20 moyens bombardiers d’eau, donc c’est un feu hors norme qui nous a obligé à tirer des enseignements pour peut-être faire évoluer la doctrine nationale.
Un feu hors-norme c’est à dire ?
Il y avait des conditions météo exceptionnelles, une sécheresse chronique depuis quatre ans dans le département et une végétation composée de pins d’Alep qui brûlent rapidement, et surtout la création d’un nuage. Des vitesses de propagation supérieures à 8 km/h, le feu parcourait 2000 hectares à l’heure, et une puissance énorme, on était sur des fronts de feu évalués à une puissance de 95 000 kilowatts par mètre, c’est l’équivalent de plusieurs centrales nucléaires, neuf fois la puissance de feu classique. Un feu hors norme aussi de part sa dimension, près de 17 000 hectares parcourus et plus de 11 000 hectares brûlés, mais surtout 27 kilomètres entre le point du départ du feu et l’arrivée du feu, 90 kilomètres de lisière, 23 jours pour être éteint et surtout 17 communes impactées avec près de 7000 habitants.
Les moyens aériens sont essentiels à mobiliser avec ce type d’incendie, le département de l’Aude s’est engagé à augmenter le budget de 10 millions d’euros du service d’incendie et de secours de l’Aude pour ces 5 prochaines années, ça peut vous permettre de disposer de davantage de moyens ?
En effet les moyens aériens sont essentiels. Le jour de l’incendie, on avait une veille aérienne préventive, ce qu’on appelle un guet aérien armé. Ce sont des avions bombardiers d’eau qui survolent la zone et sont prêts à larguer de l’eau en cas de départ de feu pour le ralentir, le stopper dès sa naissance. C’est très important dans la phase de surveillance, même si pour éteindre il faut des troupes au sol. C’est la combinaison des moyens aériens et terrestres qui fait la doctrine nationale à l’heure actuelle pour stopper un feu naissant. Mais une réflexion est en cours pour doter les pompiers d’un hélicoptère bombardier d’eau propre aux SDIS de l’Aude qui serait positionné dans la zone la plus sensible, c’est-à-dire à l’est du département sur le secteur de Narbonne, pour avoir une action immédiate en cas de départ de feu, en plus des moyens terrestres pour éviter qu’il ne dégénère. (L’Etat a déjà un hélicoptère bombardier d’eau positionné à Carcassonne).
Il faut aussi améliorer la formation des pompiers et faire davantage de prévention auprès de la population ?
La formation des pompiers est à la hauteur, on était au rendez-vous par le fait qu’on n’a eu aucun pompier blessé grave sur ce feu. On a sécurisé nos véhicules, notre tenue d’intervention est opérationnelle et tous les pompiers de France sont formés à l’Ecole du feu Valabre c’est très important. Dans ce type d’incendie, on se concentre avant tout sur la défense des biens sensibles : 1200 maisons et 7000 personnes étaient menacées.
Quant à la prévention par rapport à la dimension de ces feux, c’est essentiel. Cela passe par l’aménagement des massifs et la création d’accès pour les secours, des points d’eau, mais aussi des zones débroussaillées autour des habitations et on mène des opérations de débroussaillement avec les mairies. Il faut débroussailler aussi autour des routes pour sécuriser ces zones et éviter que des feux prennent une telle ampleur.
Pour rappel, la France est dotée de 12 canadairs, on dénombre aussi 8 DASH (avions bombardiers d’eau). Le SDIS de l’Aude a un projet de montée en puissance du pélicandrome de l’aéroport de Carcassonne : ce sont des pistes d’atterrissage et un point de ravitaillement en eau et en produits retardant pour les avions. L’objectif est de les remplir deux fois plus vite qu’à l’heure actuelle. Pour cela il faudra trouver des financements.
https://www.francebleu.fr/occitanie/haute-garonne-31/toulouse-31555





















