Grands Interprètes, mercredi 28 mai, à la Halle aux Grains, avec Tugan Sokhiev à la tête de la Staatskapelle de Dresde. Événement musical.
Attachée à Toulouse, la violoncelliste argentine Sol Gabetta clôturera la saison desVous venez d’accompagner l’Orchestre du Capitole pendant sa tournée en Allemagne. Comment vous avez vécu cette série de concerts ?
Franchement, c’est un orchestre que j’ai toujours beaucoup apprécié. Il faut le dire car on ne parle pas suffisamment de ça, mais le côté humain est primordial. On sent une cohérence entre les musiciens. On se sent bien avec eux et très soutenus. En plus, c’était spécial car c’était aussi la première tournée de Tarmo Peltokoski avec l’orchestre. Il s’est donc passé des choses fortes. J’étais très heureuse de participer à cela.
Que pensez-vous du jeune chef et directeur musical de l’Orchestre du Capitole Tarmo Peltokoski ?
La combinaison est absolument extraordinaire. Ils se sont bien trouvés. D’avoir un chef comme lui, c’est très intelligent de la part de l’orchestre. Je ne sais pas qui a choisi qui mais c’est une réussite. Miser sur quelqu’un de fort, de jeune et de motivant, c’est toujours très bon. J’avais déjà joué avec Tarmo quand il avait 19 ans. Et j’ai été très impressionnée par son talent. J’ai eu le même sentiment avec Klaus Makela qui est aujourd’hui, une grande étoile. Cette école finlandaise est vraiment formidable. C’est tellement motivant pour un soliste de jouer avec des chefs qui sont des musiciens, qui sont jeunes, qui ont envie de faire quelque chose d’exceptionnel. En plus, Tarmo a une telle maturité, c’est impressionnant. Je ne le vois pas comme un garçon de 25 ans.
Vous revenez à Toulouse pour clôturer la saison des Grands Interprètes mais avec l’ancien directeur musical de l’Orchestre du Capitole Tugan Sokhiev, vous restez en famille…
Vous ne croyez pas si bien dire car grâce à Bertrand Chamayou que je connais depuis très longtemps, quand nous avions 15 ans, j’ai à Toulouse ma deuxième famille. Les parents de Bertrand sont un peu comme mes parents. Tout cela est très spécial et très fort pour moi. Concernant Tugan Sokhiev, ce sera la première fois que nous jouons ensemble pourtant ça fait longtemps que je souhaite le connaître. Je suis donc très heureuse de cette tournée avec lui.
Et de jouer avec la Staatskapelle de Dresde qui est l’un des plus vieux orchestres au monde, c’est impressionnant ?
En Allemagne, mes deux orchestres préférés, probablement par rapport à la création du son produit par les cordes, c’est Dresde et Leipzig. Il y a quelque chose, là-bas, dans l’histoire, dans la culture, le fait peut-être d’avoir été enfermés aussi longtemps derrière le mur de Berlin, sans liberté, qui m’impressionne. Quand vous prenez un taxi, le chauffeur écoute très souvent de la musique classique. Quand vous commencez à parler avec quelqu’un, vous apprenez que cette personne chante dans un chœur. En fait, même les gens qui ne sont pas musiciens, ont une culture générale musicale beaucoup plus forte que dans tant d’autres villes ou d’autres pays.
En Allemagne, justement, vous avez joué le magnifique « Schelomo » de Bloch. Qu’allez-vous interpréter à Toulouse ?
Alors, cette fois-ci, on tourne avec un concerto qui est très proche de Tugan et quelque part aussi, de moi, finalement, qui suis moitié russe par ma mère. Elle est née en France mais ses deux parents viennent de Moscou et de Saint-Pétersbourg. Donc, on va jouer le concerto de Chostakovitch n° 1. Je le joue depuis l’âge de 13 ou 14 ans. Ça fait très longtemps mais c’est un peu mon œuvre fétiche. Tugan Sokhiev a sûrement des choses nouvelles à m’apporter. Parce que la difficulté avec les pièces qu’on a beaucoup jouées, c’est que ça peut devenir répétitif, trop banal, trop simple, trop, je sais déjà ce que je sais faire. Avec ce chef que j’apprécie énormément, je suis en attente de nouvelles influences.
Qu’aimez-vous particulièrement dans ce concerto de Chostakovitch ?
C’est une vraie pièce de bataille pour n’importe quel violoncelliste. Parce qu’il est rare d’avoir un concerto qui ait une cadence, un mouvement entier écrit en cadence. Dans le troisième mouvement, il y a une énorme cadence qui se développe. Je trouve que c’est très révolutionnaire. Le violoncelle est un instrument qui est un peu en lutte sonore contre un orchestre qui est si grand, si massif, dans une tessiture qui n’est pas si solistique, peut-être, qu’un piano, un violon, une trompette, ou une clarinette. Cela donne justement, une palette interprétative de liberté pendant presque neuf minutes.