Le milliardaire Pierre-Édouard Stérin a, pour la seconde fois, refusé de se présenter devant une commission d’enquête de l’Assemblée nationale. À la tête d’un projet pour diffuser les idées d’extrême droite, il est aussi à l’initiative de La Nuit du bien Commun. L’événement se tiendra à Toulouse (Haute-Garonne) le 18 juin prochain.
Le 14 mai dernier, le milliardaire français, Pierre-Édouard Stérin a refusé de comparaître devant une commission d’enquête de l’Assemblée. Le milliardaire à l’origine d’un projet politique baptisé « Périclès » acronyme de « Patriotes enracinés résistants identitaires chrétiens libéraux européens souverainistes » devait se rendre à l’Assemblée nationale pour une audition, il ne s’est finalement pas présenté. L’homme d’affaires est également le fondateur des Nuits pour le Bien Commun. Des événements présents dans de nombreuses villes de France, comme à Toulouse, présentés comme des « grandes soirées de levée de dons pour les associations ». Des soirées qui, pour certains, seraient le moment idéal pour diffuser des idées d’extrême droite.
Le milliardaire français, Pierre-Édouard Stérin • © OtiumCapital
En juillet 2024, le journal L’Humanité dévoile le plan de bataille de Pierre-Édouard Stérin, prêt à diffuser les idées d’extrême droite par le biais de son projet culturel baptisé « Périclès ». Il y a huit ans, il est l’initiateur de soirées appelées La Nuit du Bien Commun. À Toulouse comme dans d’autres villes, ces événements sont présentés comme « des grandes soirées de levée de dons pour les associations, dans des valeurs humanistes, mais sans aucune affiliation politique » comme nous l’indique Thomas Tixier, chargé de la communication de l’évènement toulousain.
Mais l’actualité récente au sujet du fondateur de ce rendez-vous provoque la polémique et soulève diverses questions. Pour le président de la Ligue des droits de l’Homme à Toulouse, Jean-François Mignard, la décision de l’homme d’affaires de ne pas se présenter à l’Assemblée, témoigne des idées de l’homme d’affaires. « C’est un homme qui se refuse au contrôle, dans un état de droit et on lui donne du crédit lors d’événements comme celui-ci. C’est bien la preuve de l’extrême droitisation de la société et de la facilité de transmission de ces idées ».
Selon Thomas Tixier, Pierre-Édouard Stérin n’exercerait plus de responsabilité exécutive dans l’organisation de ces soirées depuis décembre 2024. Le fonds de la Nuit du bien commun est ainsi actuellement dirigé par François Morinière, président du directoire du groupe Bayard, éditeur de titres tels que La Croix, Le Pélerin, Notre Temps et proche de Pierre-Édouard Stérin.
Cette année, l’événement se tiendra au centre de congrès Pierre Baudis. Au total, sept associations ont été lauréates et pourront participer à la levée de fonds. Si sur le papier, l’événement semble plutôt partager des valeurs humanistes, cache-t-il une volonté de partage d’idéologies d’extrême droite ?
Dans la Ville rose, plusieurs syndicats, à l’appel de la FSU 31 se mobilisent d’ores et déjà contre la teneur de l’événement. « Nous souhaitons alerter les potentiels participants à cet événement, les associations, le public, qui pourrait ne pas être au courant. Leur expliquer qui est Stérin, dévoiler son projet politique, ses idéologies, ses opinions… », explique Marie-Cécile Périllat, avant de continuer : « c’est un événement qui se veut caritatif, mais la réalité est tout autre, les valeurs de la gauche sont utilisées pour faire circuler des idéologies d’extrême droite. »
L’année dernière, 10 associations et 600 personnes avaient participé à l’événement, cette année les organisateurs espèrent pouvoir remplir le centre de congrès Pierre Baudis. Dans la soirée, le principe fonctionne comme une sorte d’enchères. Les mécènes et donateurs lèvent un numéro qui leur est attribué et donnent de cette façon de l’argent aux associations. Pour Jean-François Mignard, président de la Ligue des Droits de l’Homme à Toulouse, c’est une véritable offensive que cachent ces événements. « On ne peut pas demander la suppression de l’événement, car cela irait à l’encontre de la liberté de rassemblement, mais c’est une offensive à tous les étages. Ce sont des principes de charité, qui instaurent l’idée selon laquelle les pauvres ne sont rien sans les riches. On dénonce cet aspect, nous sommes opposés à l’avancée des idées d’extrême droite. »
Un événement à la « vision rétrograde de la société« . L’avis est partagé par plusieurs maires français dans une tribune du journal Le Monde.« Pierre-Édouard Stérin déploie une stratégie d’entrisme qui tente de s’appuyer sur le champ associatif pour étendre l’influence de ses idées réactionnaires », expliquent-ils. Mais alors, la mairie de Toulouse a-t-elle la possibilité d’annuler l’événement ? Contacté, le service communication explique que la réservation de la soirée a été effectuée au centre de congrès Pierre Baudis. Un établissement géré en délégation.
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« C’est la société gestionnaire du centre de congrès Pierre Baudis qui s’occupe des réservations, nous n’avons pas de droit de regard sur l’événement et la programmation du lieu ». Pour les organisateurs, ces propos sont « incohérents, c’est assez étonnant de la part des maires, car nous sommes apolitiques et ils utilisent nos événements pour faire de la récupération politique ».
Pierre-Édouard Stérin est un homme d’affaires, milliardaire, exilé fiscal, proche de l’extrême droite. Si l’homme fait parler de lui récemment, c’est surtout après avoir refusé (et ce pour la seconde fois), la convocation de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’« organisation des élections en France » qui devait se tenir le 20 mai 2025. Il devait ainsi s’expliquer sur son activisme politique après avoir annoncé être prêt à dépenser 150 millions d’euros sur dix ans, à travers son fonds d’investissement Otium Capital et son projet Periclès. L’objectif étant d’influencer le débat public et soutenir des candidats à droite de l’échiquier politique aux élections. Sa volonté semble claire, Pierre-Édouard Stérin veut faire gagner la droite et l’extrême droite, le libéralisme économique et les conservateurs sur les sujets de société. Suite à ce refus, le président de la commission a annoncé qu’il saisirait la justice.
Parmi les sept associations présentes lors de la prochaine soirée caritative, on trouve Enfance Adolescence et Diabète. Une association créée en 2007 par le personnel du service de diabétologie pédiatrique de l’Hôpital des Enfants du CHU de Toulouse et plusieurs parents. Désireuse d’accompagner les enfants atteints de diabète de type 1 et leur famille, elle a d’ores et déjà accompagné plus de 500 enfants. Pour Corinne Colmel, directrice et cofondatrice, la participation à l’événement n’a pas de lien avec des idéaux politiques : « Nous avons déposé notre dossier, car nous sommes une association. Nous ne disposons d’aucune aide, que ce soit, de la part de la mairie de Toulouse, du département ou pour le moment de la région, nous avons cependant besoin de financement. »
Selon la directrice, aucun lien avec le fondateur Pierre-Édouard Stérin n’est apparent : « Nous n’avons rencontré que des mécènes locaux, on ne nous a rien demandés, rien d’étonnant ou qui pourrait être contraire à nos valeurs. À mes yeux, cela est davantage de la philanthropie à l’américaine. Si cela était un événement aux valeurs de gauche, nous aurions dans ce cas des subventions de la part de l’État. »
Depuis l’annonce de la participation de l’association à l’événement, Corinne Colmel explique avoir reçu diverses menaces par SMS : « On me dit que participer à cet événement n’est pas éthique, que nous risquons d’être manipulés… Mais cette soirée nous permettra de rencontrer des mécènes locaux et nous en avons besoin pour que notre association puisse continuer d’exister. Je suis très en colère, car c’est culpabilisant, mais nous voulons seulement mettre en lumière nos actions », conclut-elle.
Récemment, une autre association, au départ lauréat de l’événement a décidé, elle, de se retirer. Sans dévoiler les raisons exactes, la présidente des Camions douche, explique « ne pas partager les mêmes valeurs que les organisateurs de l’événement ».
Selon Thomas Tixier, chargé de communication de l’événement, les associations doivent assurer une communication de l’événement, mais aussi une sécurisation de dons. « Il faut que ces associations nous prouvent que des personnes prêtes à leur faire des dons viendront à la soirée ».
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