Ce lundi 22 décembre 2025, la mobilisation des agriculteurs se poursuit en plusieurs points de blocages d’Occitanie alors que, dans le même temps, une suspicion de nouveau cas de dermatose bovine a été divulguée en Haute-Garonne ce lundi, du côté de Juzet-d’Izaut, une toute petite commune du Comminges. La gendarmerie s’est déployée sur place. Un peu plus au nord de la Haute-Garonne, l’autoroute A64 demeure le point central de la contestation agricole dans le Sud-Ouest. Une autoroute bloquée sur environ 200 km depuis plus de dix jours, notamment au niveau de Carbonne, endroit choisi par les Ultras de l’A64 pour établir un blocage sur la durée. Le meneur et fondateur des Ultras de l’A64, Jérôme Bayle, évoque pour Actu Toulouse cette mobilisation, les fondements de ce combat, le devenir du mouvement sur l’A64…
Actu : Alors que le blocage de Tarascon a été levé dimanche soir, vous restez, avec le blocage sur l’A75, l’un des gros bastions de la mobilisation des agriculteurs en Occitanie. Un bastion qui va tenir encore longtemps ?
Jérôme Bayle : Il y a eu un petit coup de pression vendredi de la part des autorités, mais on compte bien tenir car nous recevons par ailleurs énormément de soutien. Nous sommes soutenus aussi bien moralement que physiquement. Sur place, il y a du monde, les gens sont motivés, alors on continue à se battre. On a un combat, on a des idées, on a notre détermination. Tous les agriculteurs, quel que soit le syndicat, sont les bienvenus. C’est ouvert à tous les agriculteurs qui nous suivent dans notre projet et notre combat.
« La méthode actuelle ne marche pas »
Votre demande principale reste toujours la fin de l’abattage systématique des bovins si un cas de dermatose est détecté chez une bête ?
: Notre demande reste la même car la méthode actuelle ne marche pas et conduit à de drames humains. On le voit, malgré l’abattage des troupeaux, la maladie continue de gagner du terrain. Un autre cas a été détecté en Haute-Garonne ce lundi. Cela ne marque pas le pas. Les éleveurs ont peur et disent qu’ils ne vont plus déclarer à l’administration quand un animal sera malade… Mais depuis qu’elle est venue à Toulouse, le dialogue est rompu avec la ministre de l’Agriculture. L’État nous a seulement demandé une trêve de Noël comme si on était à la guerre. Mais dans le monde agricole, il n’y a pas de trêve. Nous ne nous arrêtons pas de travailler le jour de Noël, car nos bêtes, elles, doivent manger.
« Un combat pour la survie de nos territoires ruraux »
Votre combat semble aller bien au-delà de la façon dont on lutte actuellement pour endiguer la propagation de la dermatose…
: Si le seul problème de l’agriculture française était cette maladie on serait content. 90 exploitations ont été en redressement judiciaire en Haute-Garonne sur l’année 2024, combien il y en aura en 2025 ? Des jeunes, après 3 ans d’installation, mettent la clé sous la porte. Sans ces agriculteurs, que deviendront nos territoires ruraux ? Quand il n’y a plus d’agriculteur, quand il n’y a plus d’entretien des terres ce sont des territoires qui brûlent. On l’a vu dans l’Aude cet été. Sans agriculteur, il n’y a clairement plus de vie dans certains territoires. Notre combat, on le mène bien évidemment pour nos exploitations, mais cela va donc plus loin que ça. C’est un combat pour la survie de nos territoires ruraux.
« Remettre des gens qui portent la voix de la ruralité »
Vous semblez être devenu le porte-voix de ce combat qui dépasse sans doute le territoire du Volvestre ou de l’Occitanie…
: Aujourd’hui, il faut des porte-voix, moi ou d’autres. Il faut remettre des gens qui portent la voix de la ruralité. Cette voix, c’est l’histoire de nos territoires, dont l’agriculture est la pierre angulaire, c’est l’histoire de nos anciens, et c’est notre futur avec une agriculture qui doit rester la pierre angulaire.
« Des camions transitent avec du bétail par la France et vont en Espagne »
Revenons à la dermatose, ces dernières heures, la Coordination Rurale a pointé du doigt le transit de certains camions chargés de troupeaux sur notre territoire. Cela vous interpelle à vous aussi ?
: Effectivement, quand je vois tous les transporteurs qui passent sur les ronds points, chargé de bétail, je me dis qu’on n’est pas arrivé… Et qu’on n’arrivera pas à combattre la dermatose. Dans cette zone réglementée où l’on n’a pas le droit de bouger nos animaux du point de pâture, ou encore de déplacer du lisier, il y en a d’autres qui font du commerce. Des camions transitent par la France et vont en Espagne, ils traversent nos zones réglementées… J’observe également la passivité de l’État… Pour qu’on éradique la maladie, il faut prendre des mesures fortes, voire très fortes… dont celles d’accompagner les gens qui n’y arrivent pas. Aujourd’hui l’État propose 4 millions d’euros pour l’Occitanie en fonds d’urgence, de l’argent dont les agriculteurs peuvent disposer sous certaines conditions assez restrictives. Cela ne peut pas marcher. Ce n’est pas comme ça qu’on accompagne les gens. Accompagner les gens en agriculture, c’est avoir une vision à long terme, des développements de filière, une garantie des prix…
« Les gens nous demandent de ne pas lâcher »
Comment votre mouvement va-t-il pouvoir perdurer ces prochains jours ?
: Il faut rester uni, solidaire, on comprend qu’on perturbe un peu la circulation, mais on le fait pour la bonne cause, pour l’avenir de notre pays. On est là pour se faire entendre. Et les gens nous demandent de ne pas lâcher. On parle souvent d’une guerre alimentaire, ce sont les grands penseurs à Paris qui le disent. Or pour faire cette guerre, il faut des gens qui produisent pour nourrir. Alors, des agriculteurs vont passer encore des nuits sous un pont. Quand j’étais petit ce n’était pas glorieux de passer la nuit sous un pont, mais là cela prend tout son sens. On va se battre, pour que dans quelques années, les gens, ici, ne meurent pas de faim parce qu’il n’y aura plus d’agriculteur pour les nourrir.
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