Sophie Astrabie, figure montante du roman français, a sorti « Le Secret de Jeanne », en mai dernier. Ce sixième ouvrage, déjà vendu à 17 000 exemplaires, explore les liens familiaux à travers trois époques. L’écriture, pour elle, est une liberté affirmée, » un acte honnête ». Sophie Astrabie fait partie des 14 propositions de la rédaction pour notre série « Toulousain de l’année 2025 ».
À 37 ans, la Toulousaine Sophie Astrabie s’est imposée comme l’une des voix singulières du roman français contemporain, sans jamais avoir cherché à forcer la porte. Jean, pull noir et baskets, ton calme et regard lucide, elle avance en littérature comme dans la vie : avec travail, intuition et une confiance conquise de haute lutte.

Le 14 mai dernier, Sophie Astrabie a publié « Le Secret de Jeanne », aux éditions Flammarion, son sixième roman. Un livre construit autour de trois femmes, à trois époques différentes, reliées par un secret de famille. Un dispositif narratif qu’elle a voulu discret, presque trompeur, afin que le lecteur découvre peu à peu les liens invisibles qui unissent les personnages. Les destins de Jeanne, Alexandra et Nicole finissent par se répondre. Ce goût du puzzle, de l’intrigue patiente, marque une nouvelle étape dans l’écriture de Sophie Astrabie, avec une dimension historique plus affirmée et une architecture plus complexe que dans ses précédents romans.
Si ses livres mettent souvent en scène des héroïnes, l’autrice récuse l’étiquette de romancière “féministe” qu’on lui colle parfois. Pour elle, raconter la vie des femmes à des époques où elles n’avaient pas les mêmes droits que les hommes relève du simple constat. Dire qu’une femme ne pouvait pas ouvrir un compte bancaire avant 1965 n’est pas un manifeste, mais un fait. « Moi, j’ai envie d’écrire des histoires où les femmes vivent, agissent, se battent. Ce n’est pas une revendication, c’est juste normal », affirme-t-elle.
« C’est là, que tout décolle vraiment »
Pour Sophie Astrabie, le chemin vers l’écriture professionnelle n’a pourtant eu rien d’évident. En 2016, la jeune femme est licenciée. Une période de fragilité, de remise en question, au cours de laquelle elle doute d’elle-même. Un roman dort alors dans un tiroir, « Le Pacte d’Avril ». Encouragée par son compagnon, elle le publie en autoédition. Le succès est au rendez-vous. En 2018, elle signe chez Albin Michel. Peu à peu, les livres s’enchaînent, les lecteurs aussi. Elle écrit, élève un premier enfant, accepte des missions d’écriture, hésite encore à quitter le confort. Jusqu’au moment où elle décide de se consacrer entièrement à l’écriture. C’est là, dit-elle, « que tout décolle vraiment ».
Aujourd’hui, Sophie Astrabie vit de ses livres. Une légitimité qu’elle a mis du temps à accepter. Longtemps, elle préférait dire “j’écris des romans” plutôt que “je suis écrivaine”. L’éducation reçue, marquée par l’importance de l’indépendance financière, n’y est pas étrangère. Le jour où ses revenus d’autrice deviennent suffisants, elle comprend que l’écriture n’est plus un rêve mais un métier.
Ses romans rencontrent un public fidèle. « Le Secret de Jeanne » s’est déjà vendu à 17 000 exemplaires en grand format, un chiffre solide dans l’édition française. Et certains de ses livres connaissent une seconde vie en poche, comme « La Somme de nos vies », écoulé à plus de 100 000 exemplaires. Mais au-delà des chiffres, c’est la liberté que lui apporte l’écriture que Sophie Astrabie revendique : « Je sais que mes mots peuvent résonner. L’écriture, c’est aussi un acte honnête : je ne vends pas un produit fabriqué à l’autre bout du monde, j’écris des livres, produits en France, qui font vivre les libraires et nourrissent la culture. C’est une belle équation. »
Cette liberté n’efface pas le doute. Chaque livre passe par une phase de “désespérance”, dit-elle, même pour les albums jeunesse. « C’est difficile d’écrire une histoire. C’est un vrai défi », reconnaît la Toulousaine. Sophie Astrabie écrit aussi pour les enfants, notamment « Suzanne, Brune et Romy, The apple pie », un album inspiré par le prénom de ses trois filles, à qui elle rend hommage sans pour autant raconter leur histoire. L’écriture devient alors un moyen de transmettre : la confiance, l’audace, la possibilité de suivre sa propre voie.
Le basket à haut niveau
Avant les livres, il y a eu le sport dans la vie de Sophie Astrabie. Le basket, à haut niveau. Intégrée au pôle espoir féminin de Caussade, passée par le championnat de France à Toulouse, elle n’est pas devenue championne du monde, mais elle y a appris la persévérance. Une leçon qu’elle applique aujourd’hui à l’écriture, convaincue que le travail finit toujours par payer.
Sophie Astrabie anime aussi des ateliers d’écriture, parfois dans des lieux insolites, comme une forêt près d’Orléans. Elle y partage son goût des faits divers, des histoires brutes qui contiennent déjà une intrigue. « Le Secret de Jeanne » s’inspire d’ailleurs de l’affaire Troadec, preuve que le réel nourrit volontiers sa fiction.
Curieuse, allergique à la routine, toujours prête à choisir un plat inconnu au restaurant, Sophie Astrabie avance livre après livre, défi après défi. Son prochain roman est prévu pour mai 2026. Elle a quitté la phase de « désespérance », mais garde cette peur familière de ne pas y arriver. Une peur qu’elle accepte désormais comme faisant partie du métier. Écrire, pour elle, n’est ni une posture ni un combat : c’est une évidence patiemment construite. Le tout avec le soutien sans faille de son mari : « Je lui fais lire mes textes à la fin. Mais il m’écoute, il me challenge. Je dis souvent que c’est mon mur de pelote basque : je lui envoie mes idées, il me les renvoie, et ça m’aide à avancer ».
Sophie Astrabie en dates
14 avril 1988 : Naissance à Albi.3 avril 2018 : Sortie de son premier roman « Le pacte d’avril ».26 avril 2019 : Première traduction d’un de ses livres.3 janvier 2021 : « La somme de nos vies » présentée par une libraire au JT de France 214 mais 2025 : Sortie du Secret de Jeanne.























