En avril 2014, quatre peintres occupés sur un Airbus A330 ont été victimes de la défaillance d’une nacelle. Tous les quatre ont été blessés, plus ou moins gravement. Presque douze ans plus tard, ils attendent toujours d’être dédommagés.
« L’annulation de l’expertise, au début du mois, a été l’ultime coup de massue », prévient Cyril. Ludovic relance : « Le ras-le-bol, l’incompréhension de trop. » « Combien de temps cela va-t-il durer ? Quand est-ce que la justice va enfin se réveiller et penser, un peu, à nous ? », termine Stéphane.
Ces trois copains, et Florian, 32 ans, travaillaient ensemble à la peinture d’un Airbus A330 le 24 avril 2014 sur les chaînes de l’avionneur, à Colomiers. La nacelle sur laquelle ils étaient installés s’est effondrée. Ludovic, 42 ans et plus de 20 ans chez Airbus, a été victime d’un important traumatisme crânien, avec un hématome, des fractures et une incapacité corporelle supérieure à 50 % aujourd’hui. « Je continue à suivre des soins très régulièrement », confie, presque gêné, cet ouvrier.
La justice n’avance pas
Ses amis de galère doivent accepter des douleurs diverses liées aux fractures qu’ils ont subies lors de leur chute, vertèbres, chevilles, hanche… « J’ai dû rester alité et porter un corset, longtemps alors que j’avais un fils de trois ans et une fille qui venait de naître. Pas simple, surtout pour ma compagne », confie Cyril. Stéphane, hanche fracturée, a passé deux mois sur un lit, la jambe tirée par un poids. « Entre l’hospitalisation et la rééducation, sept mois de souffrance. Aujourd’hui, je ressens encore des douleurs ».
Mais aujourd’hui, pour ces rescapés, le plus difficile à supporter reste la lenteur de la justice. « La chambre de l’instruction vient d’annuler l’expertise qui mettait en avant des soucis connus sur cette nacelle avec un entretien défaillant », prévient leur avocat, Me Denis Benayoun. Une annulation liée à un expert qui n’avait pas prêté serment, erreur de procédure soulevée par Me Jacques Monferran, l’avocat d’Airbus.
Et cela remet l’ensemble du dossier en cause. « Ce qui est terrible dans cette affaire, c’est que la question de la responsabilité pénale, qui peut impliquer Airbus et des sous-traitants, bloque l’indemnisation. Ces ouvriers, qui travaillent tous les quatre chez l’avionneur, devraient être dédommagés depuis longtemps ! », estime leur conseil.
Assignation de l’État
Désemparés par la lenteur de la justice et les trois juges qui se sont succédé à la direction de l’instruction, les victimes et leur avocat ont décidé d’assigner l’État pour un délai « anormalement long ». Une manière d’affirmer leur ras-le-bol face à cette attente épuisante.
« Chez Airbus, nous avons changé d’affectation mais souvent de manière insidieuse, l’accident de 2014 nous revient dans la figure », constatent les victimes. La question d’un proche, des douleurs, les remarques d’un responsable loin de leur réalité ou la nécessité de revenir devant la justice pour s’expliquer constituent autant de rappels douloureux.
« Nous voudrions parvenir à tourner la page, passer à autre chose », résume Cyril, chez l’avionneur depuis 2001. « Sans réponse de la justice, c’est impossible », concède Stéphane quand Ludovic a dû stopper son travail ces dernières semaines. « Je suis en arrêt maladie depuis deux mois. Trop d’angoisses, de gênes liées aux conséquences de mon traumatisme crânien. Psychologiquement, la situation devenait trop compliquée à supporter. »
Et les mois nécessaires à la justice pour clôturer le dossier ne vont rien arranger.























